Transplantation

Transplantation

Il n'avait mal nulle part. Il était juste incapable de bouger. Il regardait le ciel étoilé au dessus de sa tête et il attendait les secours. C'était tout dont il était capable.

Qu'est-ce qui lui est arrivé au juste ?

Un accident ? Certainement. Mais pourquoi ? Il s'est penché pour changer la cassette et quelque chose lui a rentré dedans. L'autoroute était portant vide... Mystère.

Il commençait à s'inquiéter qu'il n'entendait toujours pas les sirènes. Pourtant, il n'était pas dans le désert. Depuis combien de temps était-il là, entremêlé à la feraille défoncée ? Une seconde ou une éternité ? S'il l'avait pu, il aurait regardé sa montre. Si, jamais, elle n'était pas cassée. Sa mère serait mécontente si cela s'était produit.

L'idée de mort l'effleura mais elle lui parut absurde. Il n'avait que vingt cinq ans et le printemps commençait à peine. Pourrait-il ne plus être là alors que tout l'appelait à vivre ?

Les secours n'allaient pas tarder et tout allait se solder par quelques plâtres. Il ne pouvait pas en être autrement.

***

Quand il a repris la conscience, le ciel était plein des gyrophares bleus et des projecteurs aveuglants. Il aperçut une seringue et une poche de sang au-dessus de sa tête. Le bruit des scies à métaux lui vrilla les oreilles. Des gens s'agitaient autour de lui. C'était rassurant.

***

Il roulait à nouveau. La sirène hurlait. Il perdit la conscience.

***

Ils traversaient un couloir : long, droit et fissuré. Hôpital public, certainement. Quelqu'un examinait des radios en marchant.

— Vous avez son identité ?

— Pas encore. Mais c'est un soixante-quinze.

— Il n'avait pas de papiers sur lui ?

— On ne les a pas retrouvés. Sa voiture c'est du papier froissé. Il a tapé dans un container perdu.

— Les gendarmes n'ont qu'à consulter leur fichiers !

— Ils étaient en train de le faire quand on est parti.

— Demandez à Paris s'ils peuvent le prendre ! J'ai pas les moyens de le rafistoler ici. Je peux juste stopper l'hémorragie, et encore !

***

L'éclairage Scialytique l'aveuglait. Ils s'agitaient tous au-dessus de lui dans le bloc opératoire mais il ne sentait toujours rien.

— Marquez que le rein gauche est foutu aussi. Ah, c'est vous ! Alors ?

— Paris envoie un hélicoptère. Il sera là dans quinze minutes.

— Préparez-le pour le transfert !

— Il tiendra le coup ?

— Il a intérêt !

— Ils demandent à vous parler.

— Qui ?

— Paris.

— J'y vais. Passez-moi les notes.

***

Quand ils retraversèrent le couloir, avec toujours plus de monde autour de lui, le médecin était encore au téléphone, quelque part vers l'accueil.

— J'en sais rien, bon sang ! J'ai pas de scanner ici ! Pardon ? Ecoutez, madame : je suis médecin et pas banquier ! Quittez pas, je l'accompagne.

***

Dans le ciel, il y avait la lune. Elle lui souriait. Où était-elle cachée tout à l'heure ?

Les hélices de l'hélicoptère étaient comme un immense ventilateur. Il monta vers les étoiles.

***

L'ambulance était plus spacieuse que la précédente. Elle était bourrée d'électronique. Combien de vis de cette ambulance aurait-il pu s'offrir pour l'ensemble de ses cotisations de sécurité sociale ?

— Dites aux motards qu'ils ouvrent la voie. Il n'y a pas une seconde à perdre.

— Oui, docteur.

Le brancardier s'exécuta puis il rejoignit son collègue dans la cabine. Le cortège démarra sec.

— T'as vu ses yeux ?

— Quoi ?

— Ses yeux. Ils sont ouverts. Pourquoi ?

— J'sais pas.

— Tu crois qu'il est conscient ?

— J'crois pas. Il n'aurait rien à faire ici.

— Tiens ! Il essaie de les fermer et il n'y arrive pas.

— Laisse tomber !

— C'est pour qui son coeur ?

— J'en sais rien. On m'informe pas de ce genre de détails...

30 avril 1994